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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/132

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fort comme la mort

Elle dit, avec un sourire, en promenant toujours ses doigts légers sur la tête d’Olivier :

— Dieu ! que vous êtes blanc ! Vos derniers cheveux noirs ont disparu.

— Hélas ! je le sais, ça va vite.

Elle eut peur de l’avoir attristé.

— Oh ! vous étiez gris très jeune, d’ailleurs. Je vous ai toujours connu poivre et sel.

— Oui, c’est vrai.

Pour effacer tout à fait la nuance de regret qu’elle avait provoqué, elle se pencha et, lui soulevant la tête entre ses deux mains, mit sur son front des baisers lents et tendres, ces longs baisers qui semblent ne pas devoir finir.

Puis ils se regardèrent, cherchant à voir au fond de leurs yeux le reflet de leur affection.

— Je voudrais bien, dit-il, passer une journée entière près de vous.

Il se sentait tourmenté obscurément par d’inexprimables besoins d’intimité.

Il avait cru, tout à l’heure, que le départ des gens qui étaient là suffirait à réaliser ce désir éveillé depuis le matin, et maintenant qu’il demeurait seul avec sa maîtresse, qu’il avait sur le front la tiédeur de ses mains, et contre la joue, à travers sa robe, la tiédeur de son corps, il retrouvait en lui le même trouble, la même envie d’amour inconnue et fuyante.

Et il s’imaginait à présent que, hors de cette maison, dans les bois peut-être où ils seraient tout à fait seuls, sans personne autour d’eux, cette inquiétude de son cœur serait satisfaite et calmée.

Elle répondit :

— Que vous êtes enfant ! Mais nous nous voyons presque chaque jour.