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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/142

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fort comme la mort

— Ne sommes-nous pas bien ? Laissons-les donc, puisqu’il est convenu que si nous nous perdons, nous nous retrouverons à quatre heures au buffet.

— C’est vrai, dit-il.

Mais il était absorbé à l’idée que le marquis accompagnait Annette et continuait à marivauder près d’elle avec sa fatuité galante.

La comtesse murmura :

— Alors, vous m’aimez toujours ?

Il répondit, d’un air préoccupé :

— Mais oui, certainement.

Et il cherchait, par-dessus les têtes, à découvrir le chapeau gris de M. de Farandal.

Le sentant distrait et voulant ramener à elle sa pensée, elle reprit :

— Si vous saviez comme j’adore votre tableau de cette année. C’est votre chef-d’œuvre.

Il sourit, oubliant soudain les jeunes gens pour ne se souvenir que de son souci du matin.

— Vrai ? vous trouvez ?

— Oui, je le préfère à tout.

— Il m’a donné beaucoup de mal.

Avec des mots câlins, elle l’enguirlanda de nouveau, sachant bien, depuis longtemps, que rien n’a plus de puissance sur un artiste que la flatterie tendre et continue. Capté, ranimé, égayé par ces paroles douces, il se remit à causer, ne voyant qu’elle, n’écoutant qu’elle dans cette grande cohue flottante.

Pour la remercier, il murmura près de son oreille :

— J’ai une envie folle de vous embrasser.

Une chaude émotion la traversa et, levant sur lui ses yeux brillants, elle répéta sa question :

— Alors, vous m’aimez toujours ?