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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/165

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fort comme la mort

trois maigres jeunes messieurs superlativement corrects, et il interrogeait sournoisement Olivier sur toutes les filles connues et cotées dont il entendait chaque jour citer les noms. Puis il murmura avec un ton de profond regret :

— Vous avez de la chance d’être resté garçon, vous. Vous pouvez faire et voir tant de choses.

Mais le peintre se récria, et pareil à tous ceux qu’une pensée harcèle, il prit Guilleroy pour confident de ses tristesses et de son isolement. Quand il eut tout dit, récité jusqu’au bout la litanie de ses mélancolies, et raconté naïvement, poussé par le besoin de soulager son cœur, combien il eût désiré l’amour et le frôlement d’une femme installée à son côté, le comte, à son tour, convint que le mariage avait du bon. Retrouvant alors son éloquence parlementaire pour vanter la douceur de sa vie intérieure, il fit de la comtesse un grand éloge, qu’Olivier approuvait gravement par de fréquents mouvements de tête.

Heureux d’entendre parler d’elle, mais jaloux de ce bonheur intime que Guilleroy célébrait par devoir, le peintre finit par murmurer, avec une conviction sincère :

— Oui, vous avez eu de la chance, vous !

Le député, flatté, en convint ; puis il reprit :

— Je voudrais bien la voir revenir ; vraiment, elle me donne du souci en ce moment. Tenez, puisque vous vous ennuyez à Paris, vous devriez allez à Roncières et la ramener. Elle vous écoutera, vous, car vous êtes son meilleur ami ; tandis qu’un mari…, vous savez…

Olivier, ravi, reprit :

— Mais, je ne demande pas mieux, moi. Cepen-