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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/192

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fort comme la mort

Annette, d’un côté, sa jupe noire relevée, nu-tête, montrant ses chevilles et la moitié du mollet lorsqu’elle s’élançait pour attraper la balle au vol, allait, venait, courait, les yeux brillants et les joues rouges, fatiguée, essoufflée par le jeu correct et sûr de son adversaire.

Lui, la culotte de flanelle blanche serrée aux reins sur la chemise pareille, coiffé d’une casquette à visière, blanche aussi, et le ventre un peu saillant, attendant la balle avec sang-froid, jugeait avec précision sa chute, la recevait et la renvoyait sans se presser, sans courir, avec l’aisance élégante, l’attention passionnée et l’adresse professionnelle qu’il apportait à tous les exercices.

Ce fut Annette qui aperçut sa mère. Elle cria :

— Bonjour, maman ; attends une minute que nous ayons fini ce coup-là.

Cette distraction d’une seconde la perdit. La balle passa contre elle, rapide et basse, presque roulante, toucha terre et sortit du jeu.

Tandis que Bertin criait : « Gagné », que la jeune fille, surprise, l’accusait d’avoir profité de son inattention, Julio, dressé à chercher et à retrouver, comme des perdrix tombées dans les broussailles, les balles perdues qui s’égaraient, s’élança derrière celle qui courait devant lui dans l’herbe, la saisit dans la gueule avec délicatesse, et la rapporta en remuant la queue.

Le peintre, maintenant, saluait la comtesse ; mais, pressé de se remettre à jouer, animé par la lutte, content de se sentir souple, il ne jeta sur ce visage tant soigné pour lui qu’un coup d’œil court et distrait ; puis il demanda :