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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/191

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fort comme la mort

mena de ses lèvres à ses tempes leur toucher plus moelleux qu’un baiser, corrigeant les nuances imparfaitement retrouvées, soulignant les yeux, soignant les cils. Quand elle descendit enfin, elle était à peu près sûre que le premier regard qu’il lui jetterait ne serait pas trop défavorable.

— Où est M. Bertin ? demanda-t-elle au domestique rencontré dans le vestibule.

L’homme répondit :

M. Bertin est dans le verger, en train de faire une partie de lawn-tennis avec Mademoiselle.

Elle les entendit de loin crier les points.

L’une après l’autre, la voix sonore du peintre et la voix fine de la jeune fille annonçaient : quinze, trente, quarante, avantage, à deux, avantage, jeu.

Le verger où avait été battu un terrain pour le lawn-tennis, était un grand carré d’herbe planté de pommiers, enclos par le parc, par le potager et par les fermes dépendant du château. Le long des talus qui le limitaient de trois côtés, comme les défenses d’un camp retranché, on avait fait pousser des fleurs, de longues plates-bandes de fleurs de toutes sortes, champêtres ou rares, des roses en quantité, des œillets, des héliotropes, des fuchsias, du réséda, bien d’autres encore, qui donnaient à l’air un goût de miel, ainsi que disait Bertin. Des abeilles, d’ailleurs, dont les ruches alignaient leurs dômes de paille le long du mur aux espaliers du potager, couvraient ce champ fleuri de leur vol blond et ronflant.

Juste au milieu de ce verger on avait abattu quelques pommiers, afin d’obtenir la place nécessaire au lawn-tennis, et un filet goudronné, tendu par le travers de cet espace, le séparait en deux camps.