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fort comme la mort

— Vous permettez ? chère comtesse, j’ai peur de me refroidir et d’attraper une névralgie.

— Oh ! oui, dit-elle.

Elle s’assit sur un tas de foin, fauché le matin même, pour donner champ libre aux joueurs, et, le cœur un peu triste tout à coup, les regarda.

Sa fille, agacée de perdre toujours, s’animait, s’excitait, avait des cris de dépit ou de triomphe, des élans impétueux d’un bout à l’autre de son camp, et, souvent, dans ces bonds, des mèches de cheveux tombaient, déroulées, puis répandues sur ses épaules. Elle les saisissait, et, la raquette entre les genoux, en quelques secondes, avec des mouvements impatients, les rattachait en piquant des épingles, par grands coups, dans la masse de la chevelure.

Et Bertin, de loin, criait à la comtesse :

— Hein ! est-elle jolie ainsi, et fraîche comme le jour ?

Oui, elle était jeune, elle pouvait courir, avoir chaud, devenir rouge, perdre ses cheveux, tout braver, tout oser, car tout l’embellissait.

Puis, quand ils se remettaient à jouer avec ardeur, la comtesse, de plus en plus mélancolique, songeait qu’Olivier préférait cette partie de balle, cette agitation d’enfant, ce plaisir des petits chats qui sautent après des boules de papier, à la douceur de s’asseoir près d’elle, en cette chaude matinée, et de la sentir, aimante, contre lui.

Quand la cloche, au loin, sonna le premier coup du déjeuner, il lui sembla qu’on la délivrait, qu’on lui ôtait un poids du cœur. Mais, comme elle revenait, appuyée à son bras, il lui dit :

— Je viens de m’amuser comme un gamin. C’est