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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/210

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fort comme la mort

et son mari se présentèrent en même temps, la voix pleine de larmes. Pendant quelques minutes, il sembla, au ton dolent des paroles, que tout le monde allait pleurer ; mais, peu à peu, après les attendrissements et les interrogations, un autre courant d’idées passa ; les timbres, tout à coup, s’éclaircirent, et on se mit à causer naturellement, comme si l’ombre du malheur qui assombrissait, à l’instant même, tout ce monde, se fût soudain dissipée.

Alors Bertin se leva, prit Annette par la main, l’amena sous le portrait de sa mère, dans le jet de feu du réflecteur, et demanda :

— Est-ce pas stupéfiant ?

La duchesse fut tellement surprise, qu’elle semblait hors d’elle, et répétait :

— Dieu ! est-ce possible ! Dieu ! est-ce possible ! C’est une ressuscitée ! Dire que je n’avais pas vu ça en entrant ! Oh ! ma petite Any, comme je vous retrouve, moi qui vous ai si bien connue alors, dans votre premier deuil de femme, non, dans le second, car vous aviez déjà perdu votre père ! Oh ! cette Annette, en noir comme ça, mais c’est sa mère revenue sur la terre. Quel miracle ! Sans ce portrait on ne s’en serait pas aperçu ! Votre fille vous ressemble encore beaucoup, en réalité, mais elle ressemble bien plus à cette toile !

Musadieu apparaissait, ayant appris le retour de Mme de Guilleroy, et tenant à être un des premiers à lui présenter « l’hommage de sa douloureuse sympathie ».

Il interrompit son compliment en apercevant la jeune fille debout contre le cadre, enfermée dans le même éclat de lumière, et qui semblait la sœur vivante de la peinture. Il s’exclama :