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fort comme la mort

personne ne s’était plus tourné vers elle ! Elle était si bien accoutumée à entendre des compliments et des flatteries, chaque fois qu’on admirait son portrait, elle était si sûre des phrases élogieuses, dont elle ne tenait point compte mais dont elle se sentait tout de même chatouillée, que cet abandon, cette défection inattendue, cette admiration portée tout à coup tout entière vers sa fille, l’avaient plus remuée, étonnée, saisie que s’il se fût agi de n’importe quelle rivalité en n’importe quelle circonstance.

Mais comme elle avait une de ces natures qui, dans toutes les crises, après le premier abattement, réagissent, luttent et trouvent des arguments de consolation, elle songea qu’une fois sa chère fillette mariée, quand elles cesseraient de vivre sous le même toit, elle n’aurait plus à supporter cette incessante comparaison qui commençait à lui devenir trop pénible sous le regard de son ami.

Cependant, la secousse avait été trop forte. Elle eut la fièvre et ne dormit guère.

Au matin, elle s’éveilla lasse et courbaturée, et alors surgit en elle un besoin irrésistible d’être réconfortée, d’être secourue, de demander aide à quelqu’un qui pût la guérir de toutes ces peines, de toutes ces misères morales et physiques.

Elle se sentait vraiment si mal à l’aise, si faible que l’idée lui vint de consulter son médecin. Elle allait peut-être tomber gravement malade, car il n’était pas naturel qu’elle passât en quelques heures par ces phases successives de souffrance et d’apaisement. Elle le fit donc appeler par dépêche et attendit.

Il arriva vers onze heures. C’était un de ces sérieux médecins mondains dont les décorations et les titres