Aller au contenu

Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
fort comme la mort

Il s’assit, et, pour la première fois en cette maison, un malaise irrésistible l’envahit, une sorte de paralysie des idées plus complète encore que celle qui l’avait saisi, dans le jour, devant sa toile.

La comtesse dit à sa fille :

— Tu peux continuer, mon enfant ; ça ne le gêne pas.

Il demanda :

— Que faisait-elle donc ?

— Elle étudiait une fantaisie.

Annette se leva pour aller au piano. Il la suivait de l’œil, sans y songer, ainsi qu’il faisait toujours, en la trouvant jolie. Alors il sentit sur lui le regard de la mère, et brusquement il tourna la tête, comme s’il eût cherché quelque chose dans le coin sombre du salon.

La comtesse prit sur sa table à ouvrage un petit étui d’or qu’elle avait reçu de lui, elle l’ouvrit, et lui tendant des cigarettes :

— Fumez, mon ami, vous savez que j’aime ça, lorsque nous sommes seuls ici.

Il obéit, et le piano se mit à chanter. C’était une musique d’un goût ancien, gracieuse et légère, une de ces musiques qui semblent avoir été inspirées à l’artiste par un soir très doux de clair de lune, au printemps.

Olivier demanda :

— De qui est-ce donc ?

La comtesse répondit :

— De Schumann. C’est peu connu et charmant.

Un désir grandissait en lui de regarder Annette, et il n’osait pas. Il n’aurait eu qu’un petit mouvement à faire, un petit mouvement du cou, car il apercevait