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fort comme la mort

Elle l’interrompit en éclatant de rire :

— Tiens, vous ne me tutoyez plus ! Vous me prenez pour maman.

Il rougit, se tut, puis balbutia :

— C’est que ta mère m’a déjà soutenu cent fois cette idée-là.

Son éloquence s’était éteinte ; il ne savait plus que dire, et il avait peur maintenant, une peur incompréhensible de cette fillette.

— Voici maman, dit-elle.

Elle avait entendu s’ouvrir la porte du premier salon, et Olivier, troublé comme si on l’eût pris en faute, expliqua comment il s’était souvenu tout à coup de la promesse faite, et comment il était venu les prendre l’une et l’autre pour aller chez le bijoutier.

— J’ai un coupé, dit-il. Je me mettrai sur le strapontin.

Ils partirent, et quelques minutes plus tard ils entraient chez Montara.

Ayant passé toute sa vie dans l’intimité, l’observation, l’étude et l’affection des femmes, s’étant toujours occupé d’elles, ayant dû sonder et découvrir leurs goûts, connaître comme elles la toilette, les questions de mode, tous les menus détails de leur existence privée, il était arrivé à partager souvent certaines de leurs sensations, et il éprouvait toujours, en entrant dans un de ces magasins où l’on vend les accessoires charmants et délicats de leur beauté, une émotion de plaisir presque égale à celle dont elles vibraient elles-mêmes. Il s’intéressait comme elles à tous les riens coquets dont elles se parent ; les étoffes plaisaient à ses yeux ; les dentelles attiraient ses mains ; les plus insignifiants bibelots élégants retenaient son attention. Dans les