Aller au contenu

Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
231
fort comme la mort

magasins de bijouterie, il ressentait pour les vitrines une nuance de respect religieux, comme devant les sanctuaires de la séduction opulente ; et le bureau de drap foncé, où les doigts souples de l’orfèvre font rouler les pierres aux reflets précieux, lui imposait une certaine estime.

Quand il eut fait asseoir la comtesse et sa fille devant ce meuble sévère où l’une et l’autre posèrent une main par un mouvement naturel, il indiqua ce qu’il voulait ; et on lui fit voir les modèles de fleurettes.

Puis on répandit devant eux des saphirs, dont il fallut choisir quatre. Ce fut long. Les deux femmes, du bout de l’ongle, les retournaient sur le drap, puis les prenaient avec précaution, regardaient le jour à travers, les étudiaient avec une attention savante et passionnée. Quand on eut mis de côté ceux qu’elles avaient distingués, il fallut trois émeraudes pour faire les feuilles, puis un tout petit brillant qui tremblerait au centre comme une goutte de rosée.

Alors Olivier, que la joie de donner grisait, dit à la comtesse :

— Voulez-vous me faire le plaisir de choisir deux bagues ?

— Moi ?

— Oui. Une pour vous, une pour Annette ! Laissez-moi vous faire ces petits cadeaux en souvenir des deux jours passés à Roncières

Elle refusa. Il insista. Une longue discussion suivit, une lutte de paroles et d’arguments où il finit, non sans peine, par triompher.

On apporta les bagues, les unes, les plus rares, seules en des écrins spéciaux, les autres enrégimentées par