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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/248

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fort comme la mort

les yeux les rapides et muets hommages à cette jeunesse épanouie, au charme attirant de cette fraîcheur, et elle pensa : « J’étais aussi bien qu’elle, sinon mieux. » Soudain le souvenir d’Olivier la traversa et elle fut saisie, comme à Roncières, par une impérieuse envie de fuir.

Elle ne voulait plus se sentir dans cette clarté, dans ce courant de monde, vue par tous ces hommes qui ne la regardaient pas. Ils étaient loin les jours, proches pourtant, où elle cherchait, où elle provoquait un parallèle avec sa fille. Qui donc aujourd’hui, parmi ces passants, songeait à les comparer ? Un seul y avait pensé peut-être, tout à l’heure, dans cette boutique d’orfèvre ? Lui ? Oh ! quelle souffrance ! Se pouvait-il qu’il n’eût pas sans cesse à l’esprit l’obsession de cette comparaison ! Certes il ne pouvait les voir ensemble sans y songer et sans se souvenir du temps où si fraîche, si jolie, elle entrait chez lui sûre d’être aimée !

— Je me sens mal, dit-elle, nous allons prendre un fiacre, mon enfant.

Annette, inquiète, demanda :

— Qu’est-ce que tu as, maman ?

— Ce n’est rien, tu sais que, depuis la mort de ta grand’mère, j’ai souvent de ces faiblesses-là !