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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/266

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fort comme la mort

Comme on souffre parfois de ce pouvoir féroce et incompréhensible d’une forme de visage sur le cœur d’un homme !

Olivier Bertin s’était remis à marcher ; la nuit s’avancait ; son poêle s’était éteint. À travers les vitrages, le froid du dehors entrait. Alors il gagna son lit où il continua jusqu’au jour à songer et à souffrir.

Il fut debout de bonne heure, sans savoir pourquoi, ni ce qu’il allait faire, agité par ses nerfs, irrésolu comme une girouette qui tourne.

À force de chercher une distraction pour son esprit, une occupation pour son corps, il se souvint que ce jour-là même, quelques membres de son cercle se retrouvaient, chaque semaine, au Bain Maure où ils déjeunaient après le massage. Il s’habilla donc rapidement, espérant que l’étuve et la douche le calmeraient, et il sortit.

Dès qu’il eut mis le pied dehors, un froid vif le saisit, ce premier froid crispant de la première gelée qui détruit, en une seule nuit, les derniers restes de l’été.

Tout le long des boulevards, c’était une pluie épaisse de larges feuilles jaunes qui tombaient avec un bruit sec et menu. Elles tombaient, à perte de vue, d’un bout à l’autre des larges avenues entre les façades des maisons, comme si toutes les tiges venaient d’être séparées des branches par le tranchant d’une fine lame de glace. Les chaussées et les trottoirs en étaient déjà couverts, ressemblaient, pour quelques heures, aux allées des forêts au début de l’hiver. Tout ce feuillage mort crépitait sous les pas et s’amassait, par moments, en vagues légères, sous les poussées du vent.

C’était un de ces jours de transition qui sont la fin