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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/273

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fort comme la mort

Il balbutia :

— Je vous apporte quelque chose.

— Quoi donc ?

— Une loge sur la scène de l’Opéra pour une représentation unique de Helsson et de Montrosé.

— Oh ! mon ami, quel chagrin ! Et mon deuil ?

— Votre deuil est vieux de quatre mois bientôt.

— Je vous assure que je ne peux pas.

— Et Annette ? Songez qu’une occasion pareille ne se présentera peut-être jamais.

— Avec qui irait-elle ?

— Avec son père et la duchesse que je vais inviter. J’ai l’intention aussi d’offrir une place au marquis.

Elle le regarda au fond des yeux tandis qu’une envie folle de l’embrasser lui montait aux lèvres. Elle répéta, ne pouvant en croire ses oreilles :

— Au marquis ?

— Mais oui !

Et elle consentit tout de suite à cet arrangement.

Il reprit d’un air indifférent :

— Avez-vous fixé l’époque de leur mariage ?

— Mon Dieu, oui, à peu près. Nous avons des raisons pour le presser beaucoup, d’autant plus qu’il était décidé avant la mort de maman. Vous vous le rappelez ?

— Oui, parfaitement. Et pour quand ?

— Mais pour le commencement de janvier. Je vous demande pardon de ne vous l’avoir pas annoncé plus tôt.

Annette entrait. Il sentit son cœur sauter dans sa poitrine avec une force de ressort, et toute la tendresse qui le jetait vers elle s’aigrit soudain et fit naître en lui cette bizarre animosité passionnée que devient l’amour quand la jalousie le fouette.