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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/298

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fort comme la mort

faisait voltiger son image dans la nuit autour d’eux.

Quand ils arrivèrent, avenue de Villiers, devant la porte du peintre :

— Entrez-vous ? demanda Bertin.

— Non, merci. Il est tard, je vais me coucher.

— Voyons, montez une demi-heure, nous allons encore bavarder.

— Non. Vrai. Il est trop tard.

La pensée de rester seul, après les secousses qu’il venait encore de supporter, emplit d’horreur l’âme d’Olivier. Il tenait quelqu’un, il le garderait.

— Montez donc, je vais vous faire choisir une étude que je veux vous offrir depuis longtemps.

L’autre sachant que les peintres n’ont pas toujours l’humeur donnante, et que la mémoire des promesses est courte, se jeta sur l’occasion. En sa qualité d’inspecteur des Beaux-Arts, il possédait une galerie collectionnée avec adresse.

— Je vous suis, dit-il.

Ils entrèrent.

Le valet de chambre réveillé apporta des grogs ; et la conversation se traîna sur la peinture pendant quelque temps. Bertin montrait des études en priant Musadieu de prendre celle qui lui plairait le mieux ; et Musadieu hésitait, troublé par la lumière du gaz qui le trompait sur les tonalités. À la fin il choisit un groupe de petites filles dansant à la corde sur un trottoir ; et presque tout de suite il voulut s’en aller en emportant son cadeau.

— Je le ferai déposer chez vous, disait le peintre.

— Non, j’aime mieux l’avoir ce soir même pour l’admirer avant de me mettre au lit.

Rien ne put le retenir, et Olivier Bertin se retrouva