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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/303

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fort comme la mort

— Mon pauvre Olivier, comme vous souffrez !

Il appuya sa tête blanche sur l’épaule de son amie.

— Plus que vous ne croyez ! dit-il.

Elle murmura, si tristement :

— Oh ! je le savais. J’ai tout senti. J’ai vu cela naître et grandir !

Il répondit, comme si elle l’eût accusé :

― Ce n’est pas ma faute, Any.

— Je le sais bien… Je ne vous reproche rien…

Et doucement, en se tournant un peu, elle mit sa bouche sur un des yeux d’Olivier, où elle trouva une larme amère.

Elle tressaillit, comme si elle venait de boire une goutte de désespoir, et elle répéta plusieurs fois :

— Ah ! pauvre ami… pauvre ami… pauvre ami !…

Puis après un moment de silence, elle ajouta :

— C’est la faute de nos cœurs qui n’ont pas vieilli. Je sens le mien si vivant !

Il essaya de parler et ne put pas, car des sanglots. maintenant l’étranglaient. Elle écoutait, contre elle, les suffocations dans sa poitrine. Alors ressaisie par l’angoisse égoïste d’amour qui, depuis si longtemps, la rongeait, elle dit avec l’accent déchirant dont on constate un horrible malheur :

— Dieu ! comme vous l’aimez !

Il avoua encore une fois :

— Ah ! oui, je l’aime !

Elle songea quelques instants, et reprit :

— Vous ne m’avez jamais aimée ainsi, moi ?

Il ne nia point, car il traversait une de ces heures où on dit toute la vérité, et il murmura :

— Non, j’étais trop jeune, alors !

Elle fut surprise.