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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/309

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fort comme la mort

On sourit, tout le monde sachant qu’en dehors de la politique et de l’agriculture, M. de Guilleroy ne s’intéressait pas à grand’chose.

Puis la conversation s’envola sur d’autres sujets, jusqu’à ce qu’on entrât au salon pour prendre le café. La comtesse n’écoutait pas, répondait à peine, poursuivie par le souci de ce que pouvait faire Olivier. Où était-il ? Où avait-il dîné ! Où traînait-il en ce moment son inguérissable cœur ? Elle sentait maintenant un regret cuisant de l’avoir laissé partir, de ne l’avoir point gardé ; et elle le devinait rôdant par les rues, si triste, vagabond, solitaire, fuyant sous le chagrin.

Jusqu’à l’heure du départ de la duchesse et de son neveu, elle ne parla guère, fouettée par des craintes vagues et superstitieuses, puis elle se mit au lit, et y resta, les yeux ouverts dans l’ombre, pensant à lui !

Un temps très long s’était écoulé quand elle crut entendre sonner le timbre de l’appartement. Elle tressaillit, s’assit, écouta. Pour la seconde fois le tintement vibrant éclata dans la nuit.

Elle sauta hors du lit, et de toute sa force pressa le bouton électrique qui devait réveiller sa femme de chambre. Puis, une bougie à la main, elle courut au vestibule.

À travers la porte elle demanda :

— Qui est là ?

Une voix inconnue répondit :

— C’est une lettre.

— Une lettre, de qui ?

— D’un médecin.

— Quel médecin ?

— Je ne sais pas, c’est pour un accident.

N’hésitant plus, elle ouvrit, et se trouva en face d’un