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fort comme la mort

cocher de fiacre au chapeau ciré. Il tenait à la main un papier qu’il lui présenta. Elle lut : « Très urgent — Monsieur le comte de Guilleroy — ».

L’écriture était inconnue.

— Entrez, mon ami, dit-elle ; asseyez-vous, et attendez-moi.

Devant la chambre de son mari, son cœur se mit à battre si fort qu’elle ne pouvait l’appeler. Elle heurta le bois avec le métal de son bougeoir. Le comte dormait et n’entendait pas.

Alors, impatiente, énervée, elle lança des coups de pied et elle entendit une voix pleine de sommeil qui demandait :

— Qui est là ? Quelle heure est-il ?

Elle répondit :

— C’est moi. J’ai à vous remettre une lettre urgente apportée par un cocher. Il y a un accident.

Il balbutia du fond de ses rideaux :

― Attendez, je me lève. J’arrive.

Et, au bout d’une minute, il se montra en robe de chambre. En même temps que lui, deux domestiques accouraient, réveillés par les sonneries. Ils étaient effarés, ahuris, ayant aperçu dans la salle à manger un étranger assis sur une chaise.

Le comte avait pris la lettre et la retournait dans ses doigts en murmurant :

— Qu’est-ce que cela ? Je ne devine pas.

Elle dit fiévreuse :

— Mais lisez donc !

Il déchira l’enveloppe, déplia le papier, poussa une exclamation de stupeur, puis regarda sa femme avec des yeux effarés.

― Mon Dieu, qu’y a-t-il ? dit-elle.