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fort comme la mort

suite, car elle consentait en résistant, elle se donnait en se débattant, elle l’étreignait en criant : « Non, non, je ne veux pas ».

Elle demeura ensuite bouleversée, la figure sous ses mains, puis tout à coup, elle se leva, ramassa son chapeau
tombé sur le tapis, le posa sur sa tête et se sauva, malgré les supplications d’Olivier qui la retenait par sa robe.

Dès qu’elle fut dans la rue, elle eut envie de s’asseoir au bord du trottoir, tant elle se sentait écrasée, les jambes rompues. Un fiacre passait, elle l’appela et dit au cocher : « Allez doucement, promenez-moi où vous voudrez. » Elle se jeta dans la voiture, referma la portière, se blottit au fond, se sentant seule derrière les glaces relevées, seule pour songer.

Pendant quelques minutes, elle n’eut dans la tête que le bruit des roues et les secousses des cahots. Elle regardait les maisons, les gens à pied, les autres en fiacre, les omnibus, avec des yeux vides qui ne voyaient rien ; elle ne pensait à rien non plus, comme si elle se fût donné du temps, accordé un répit avant d’oser réfléchir à ce qui s’était passé.

Puis, comme elle avait l’esprit prompt et nullement lâche, elle se dit : « Voilà, je suis une femme perdue. »