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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/67

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fort comme la mort

de vulgarisateur qui le faisait fort apprécier des femmes du monde, à qui il rendait les services d’un bazar roulant d’érudition. Il savait, en effet, beaucoup de choses, sans avoir jamais lu que les livres indispensables ; mais il était au mieux avec les cinq Académies, avec tous les savants, tous les écrivains, tous les érudits spécialistes, qu’il écoutait avec discernement. Il savait oublier aussitôt les explications trop techniques ou inutiles à ses relations, retenait fort bien les autres et prêtait à ces connaissances ainsi glanées un tour aisé, clair et bon enfant, qui les rendait faciles à comprendre comme des fabliaux scientifiques. Il donnait l’impression d’un entrepôt d’idées, d’un de ces vastes magasins où on ne rencontre jamais les objets rares, mais où, tous les autres sont à foison, à bon marché, de toute nature, de toute origine, depuis les ustensiles de ménage jusqu’aux vulgaires instruments de physique amusante ou de chirurgie domestique.

Les peintres avec qui ses fonctions le laissaient en rapport constant, le blaguaient et le redoutaient. Il leur rendait, d’ailleurs, des services, leur faisait vendre des tableaux, les mettait en relation avec le monde, aimait les présenter, les protéger, les lancer, semblait se vouer à une œuvre mystérieuse de fusion entre les mondains et les artistes, se faisait gloire de connaître intimement ceux-ci, et d’entrer familièrement chez ceux-là, de déjeuner avec le prince de Galles, de passage à Paris, et de dîner, le soir même, avec Paul Adelmans, Olivier Bertin et Amaury Maldant.

Bertin, qui l’aimait assez, le trouvant drôle, disait de lui : « C’est l’encyclopédie de Jules Verne, reliée en peau d’âne ! »

Les deux hommes se serrèrent la main, et se mirent