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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/68

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fort comme la mort

à parler de la situation politique, des bruits de guerre que Musadieu jugeait alarmants, pour des raisons évidentes qu’il exposait fort bien, l’Allemagne ayant tout intérêt à nous écraser et à hâter ce moment attendu depuis dix-huit ans par M. de Bismarck ; tandis qu’Olivier Bertin prouvait par des arguments irréfutables, que ces craintes étaient chimériques, l’Allemagne ne pouvant être assez folle pour compromettre sa conquête dans une aventure toujours douteuse, et le Chancelier assez imprudent pour risquer, aux derniers jours de sa vie, son œuvre et sa gloire d’un seul coup.

M. de Musadieu, cependant, semblait savoir des choses qu’il ne voulait pas dire. Il avait vu d’ailleurs un ministre dans la journée et rencontré le grand-duc Wladimir, revenu de Cannes, la veille au soir.

L’artiste résistait et, avec une ironie tranquille, contestait la compétence des gens les mieux informés. Derrière toutes ces rumeurs, on préparait des mouvements de bourse ! Seul, M. de Bismarck devait avoir là-dessus une opinion arrêtée, peut-être.

M. de Guilleroy entra, serra les mains avec empressement, en s’excusant, par phrases onctueuses, de les avoir laissés seuls.

― Et vous, mon cher député, demanda le peintre, que pensez-vous des bruits de guerre ?

M. de Guilleroy se lança dans un discours. Il en savait plus que personne comme membre de la Chambre, et cependant il n’était pas du même avis que la plupart de ses collègues. Non, il ne croyait pas à la probabilité d’un conflit prochain, à moins qu’il ne fût provoqué par la turbulence française et par les rodomontades des soi-disant patriotes de la ligue. Et il fit de M. de Bismarck un portrait à grands traits, un por-