Aller au contenu

Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
fort comme la mort

sait pour avoir grand air parce que rien ne la troublait, qu’elle osait tout dire et protégeait le monde entier, les princes détrônés par ses réceptions en leur honneur, et même le Tout-Puissant par ses largesses au clergé et ses dons aux églises.

Musadieu reprit :

— La duchesse sait-elle qu’on croit avoir arrêté l’assassin de Marie Lambourg ?

Son intérêt s’éveilla brusquement, et elle répondit :

— Non, racontez-moi ça.

Et il narra les détails. Haut, très maigre, portant un gilet blanc, de petits diamants comme boutons de chemise, il parlait sans gestes, avec un air correct qui
lui permettait de dire les choses très osées dont il avait la spécialité. Fort myope, il semblait, malgré son pince-nez, ne jamais voir personne, et quand il s’asseyait on eût dit que toute l’ossature de son corps se courbait suivant la forme du fauteuil. Son torse plié devenait tout petit, s’affaissait comme si la colonne vertébrale eût été en caoutchouc ; ses jambes croisées l’une sur l’autre semblaient deux rubans enroulés, et ses longs bras, retenus par ceux du siège, laissaient pendre des mains pâles, aux doigts interminables. Ses cheveux et sa moustache teints artistement, avec des mèches blanches habilement