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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/73

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fort comme la mort

oubliées, étaient un sujet de plaisanterie fréquent.

Comme il expliquait à la duchesse que les bijoux de la fille publique assassinée avaient été donnés en cadeau par le meurtrier présumé à une autre créature de mœurs légères, la porte du grand salon s’ouvrit de nouveau, toute grande, et deux femmes en toilette de dentelle blanche, blondes, dans une crème de malines, se ressemblant comme deux sœurs d’âge très différent, l’une un peu trop mûre, l’autre un peu trop jeune, l’une un peu trop forte, l’autre un peu trop mince, s’avancèrent en se tenant par la taille et en souriant.

On cria, on applaudit. Personne, sauf Olivier Bertin, ne savait le retour d’Annette de Guilleroy, et l’apparition de la jeune fille à côté de sa mère qui, d’un peu loin, semblait presque aussi fraîche et même plus belle, car, fleur trop ouverte, elle n’avait pas fini d’être éclatante, tandis que l’enfant, à peine épanouie, commençait seulement à être jolie, les fit trouver charmantes toutes les deux.

La duchesse ravie, battant des mains, s’exclamait :

― Dieu ! qu’elles sont ravissantes et amusantes l’une à côté de l’autre ! Regardez donc, monsieur de Musa dieu, comme elles se ressemblent !

On comparait ; deux opinions se formèrent aussitôt. D’après Musadieu, les Corbelle et le comte de Guilleroy, la comtesse et sa fille ne se ressemblaient que par le teint, les cheveux, et surtout les yeux, qui étaient tout à fait les mêmes, également tachetés de points noirs, pareils à des minuscules gouttes d’encre tombées sur l’iris bleu. Mais d’ici peu, quand la jeune fille serait devenue une femme, elles ne se ressembleraient presque plus.

D’après la duchesse, au contraire, et d’après Olivier