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Page:Maupassant - Fort comme la mort, Ollendorff, 1903.djvu/78

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fort comme la mort

nous auras tous entendus exposer et défendre notre opinion, tu choisiras paisiblement la tienne parmi celles qu’on doit avoir, et puis tu n’auras plus besoin de penser à rien, jamais ; tu n’auras qu’à te reposer.

La petite, sans répondre, leva sur lui un œil malin, où vivait une intelligence jeune, alerte, tenue en laisse et prête à partir.

Mais la duchesse et Musadieu, qui jouaient aux idées comme on joue à la balle, sans s’apercevoir qu’ils se renvoyaient toujours les mêmes, protestèrent au nom de la pensée et de l’activité humaines.

Alors Bertin s’efforça de démontrer combien l’intelligence des gens du monde, même les plus instruits, est sans valeur, sans nourriture et sans portée, combien leurs croyances sont pauvrement fondées, leur attention aux choses de l’esprit faible et indifférente, leurs goûts sautillants et douteux.

Saisi par un de ces accès d’indignation à moitié vrais, à moitié factices, que provoque d’abord le désir d’être éloquent, et qu’échauffe tout à coup un jugement clair, ordinairement obscurci par la bienveillance, il montra comment les gens qui ont pour unique occupation dans la vie de faire des visites et de dîner en ville, se trouvent devenir, par une irrésistible fatalité, des êtres légers et gentils, mais banals, qu’agitent vaguement des soucis, des croyances et des appétits superficiels.

Il montra que rien chez eux n’est profond, ardent, sincère, que leur culture intellectuelle étant nulle, et leur érudition un simple vernis, ils demeurent, en somme, des mannequins qui donnent l’illusion et font les gestes d’êtres d’élite qu’ils ne sont pas. Il prouva que les frêles racines de leurs instincts ayant poussé