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Page:Maupassant - La main gauche, Ollendorff, 1903.djvu/261

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le port

dant que s’engouffrait, dans la porte étroite qui menait aux chambres, ce long défilé d’amoureux. Puis on redescendit pour boire, puis on remonta de nouveau, puis on redescendit encore.

Maintenant, presque gris, ils gueulaient ! Chacun d’eux, les yeux rouges, sa préférée sur les genoux, chantait ou criait, tapait à coups de poing la table, s’entonnait du vin dans la gorge, lâchait en liberté la brute humaine. Au milieu d’eux, Célestin Duclos, serrant contre lui une grande fille aux joues rouges, à cheval sur ses jambes, la regardait avec ardeur. Moins ivre que les autres, non qu’il eût moins bu, il avait encore d’autres pensées, et, plus tendre, cherchait à causer. Ses idées le fuyaient un peu, s’en allaient, revenaient et disparaissaient sans qu’il pût se souvenir au juste de ce qu’il avait voulu dire.

Il riait, répétant :

Pour lors, pour lors… v’là longtemps que t’es ici ?

— Six mois, répondit la fille.

Il eut l’air content pour elle, comme c’eût été une preuve de bonne conduite et il reprit :

— Aimes tu c’te vie là ?