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Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/315

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voilà… Nom de Dieu, quel bateau ! Nom de Dieu ! regardez donc !…

Mme Rosémilly et Beausire se retournèrent ; les deux hommes cessèrent de ramer ; seule Mme Roland ne remua point.

L’immense paquebot, traîné par un puissant remorqueur qui avait l’air, devant lui, d’une chenille, sortait lentement et royalement du port. Et le peuple havrais massé sur les môles, sur la plage, aux fenêtres, emporté soudain par un élan patriotique se mit à crier : « Vive la Lorraine ! » acclamant et applaudissant ce départ magnifique, cet enfantement d’une grande ville maritime qui donnait à la mer sa plus belle fille.

Mais Elle, dès qu’elle eut franchi l’étroit passage enfermé entre deux murs de granit, se sentant libre enfin, abandonna son remorqueur, et elle partit toute seule comme un énorme monstre courant sur l’eau.

— La voilà… la voilà !… criait toujours Roland. Elle vient droit sur nous.

Et Beausire, radieux, répétait :