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Page:Maupassant - Pierre et Jean, Ollendorff, 1888.djvu/317

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Jean lui avait pris la main :

— Tu as vu ? dit-il.

— Oui, j’ai vu. Comme il est bon !

Et on retourna vers la ville.

— Cristi ! ça va vite, déclarait Roland avec une conviction enthousiaste.

Le paquebot, en effet, diminuait de seconde en seconde comme s’il eût fondu dans l’Océan. Mme Roland tournée vers lui le regardait s’enfoncer à l’horizon vers une terre inconnue, à l’autre bout du monde. Sur ce bateau que rien ne pouvait arrêter, sur ce bateau qu’elle n’apercevrait plus tout à l’heure, était son fils, son pauvre fils. Et il lui semblait que la moitié de son cœur s’en allait avec lui, il lui semblait aussi que sa vie était finie, il lui semblait encore qu’elle ne reverrait jamais plus son enfant.

— Pourquoi pleures-tu, demanda son mari, puisqu’il sera de retour avant un mois ?

Elle balbutia :

— Je ne sais pas. Je pleure parce que j’ai mal.