Aller au contenu

Page:Maupassant Bel-ami.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

taille, ses hanches, sa gorge, ses bras d’une façon provocante et coquette ; et Duroy éprouvait un étonnement confus, presque une gêne dont il ne saisissait pas bien la cause, du désaccord de cette élégance soignée et raffinée avec l’insouci visible pour le logis qu’elle habitait.

Tout ce qui vêtait son corps, tout ce qui touchait intimement et directement sa chair, était délicat et fin, mais ce qui l’entourait ne lui importait plus.

Il la quitta, gardant, comme l’autre fois, la sensation de sa présence continuée dans une sorte d’hallucination de ses sens. Et il attendit le jour du dîner avec une impatience grandissante.

Ayant loué pour la seconde fois un habit noir, ses moyens ne lui permettant point encore d’acheter un costume de soirée, il arriva le premier au rendez-vous, quelques minutes avant l’heure.

On le fit monter au second étage, et on l’introduisit dans un petit salon de restaurant, tendu de rouge et ouvrant sur le boulevard son unique fenêtre.

Une table carrée, de quatre couverts, étalait sa nappe blanche, si luisante qu’elle semblait vernie ; et les verres, l’argenterie, le réchaud brillaient gaiement sous la flamme de douze bougies portées par deux hauts candélabres.

Au dehors on apercevait une grande tache d’un vert clair que faisaient les feuilles d’un arbre, éclairées par la lumière vive des cabinets particuliers.

Duroy s’assit sur un canapé très bas, rouge comme les tentures des murs, et dont les ressorts fatigués, s’enfonçant sous lui, lui donnèrent la sensation de tomber dans un trou. Il entendait dans toute cette vaste maison une rumeur confuse, ce bruissement des grands restaurants fait du bruit des vaisselles et des argenteries heur-