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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/102

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tées, du bruit des pas rapides des garçons adouci par le tapis des corridors, du bruit des portes un moment ouvertes et qui laissent échapper le son des voix de tous ces étroits salons où sont enfermés des gens qui dînent. Forestier entra et lui serra la main avec une familiarité cordiale qu’il ne lui témoignait jamais dans les bureaux de la Vie Française.

 — Ces deux dames vont arriver ensemble, dit-il ; c’est très gentil ces dîners-là !

Puis il regarda la table, fit éteindre tout à fait un bec de gaz qui brûlait en veilleuse, ferma un battant de la fenêtre, à cause du courant d’air, et choisit sa place bien à l’abri, en déclarant : — Il faut que je fasse grande attention ; j’ai été mieux pendant un mois, et me voici repris depuis quelques jours. J’aurai attrapé froid mardi en sortant du théâtre.

On ouvrit la porte et les deux jeunes femmes parurent, suivies d’un maître d’hôtel, voilées, cachées, discrètes, avec cette allure de mystère charmant qu’elles prennent en ces endroits où les voisinages et les rencontres sont suspects.

Comme Duroy saluait Mme Forestier, elle le gronda fort de n’être pas revenu la voir ; puis elle ajouta, avec un sourire, vers son amie : — C’est ça, vous me préférez Mme de Marelle, vous trouvez bien le temps pour elle.

Puis on s’assit, et le maître d’hôtel ayant présenté à Forestier la carte des vins, Mme de Marelle s’écria : — Donnez à ces messieurs ce qu’ils voudront ; quant à nous, du champagne frappé, du meilleur, du champagne doux par exemple, rien autre chose. — Et l’homme étant sorti, elle annonça avec un rire excité : — Je veux me pocharder ce soir, nous allons faire une noce, une vraie noce.