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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/172

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LES RESSUSCITÉS

il lui a été donné de se ressouvenir, comme dans le Lion amoureux, qu’il y avait çà et là des amours chastes dispersés sur la terre, des bouquets séchés à des corsages de seize ans, des rendez-vous sous les tilleuls enivrants des avenues. Le diable l’emportait dans une course sans frein, haletante, pleine de ricanements. Et tous les deux s’en allaient terribles, implacables, tuer des hommes, déshonorer des femmes, déchirer des voiles et des parures, pour le seul plaisir de philosopher tranquillement, un instant après, au fond d’un ravin, ou sur un sopha taché de sang. — Pauvre Frédéric Soulié ! né poëte, mort poëte, sans avoir eu son heure suprême de poésie !

C’était une plume vaillante, un esprit énergique, un talent incontestable. Son nom reste attaché à plus de cent volumes ; roman, drame, histoire, opéra, critique même, il a tout abordé, il a touché à tous les rivages de la littérature. Sans avoir la loupe microscopique de Balzac, la touche passionnée de George Sand, la verve gasconne d’Alexandre Dumas, il a glorieusement conquis une place à leur côté. Ceux-ci avaient l’esprit, la grâce, la fantaisie, l’amour, la passion ; lui a eu la