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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/247

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LASSAILLY

Si pourtant l’on me demande d’où me vient cette sympathie pour ces inconnus, ces oubliés, ces dédaignés, et pourquoi je m’attache à reconstruire leur œuvre d’égarement, tandis qu’il y a autour de moi tant d’écrivains corrects et sérieux, tant de professeurs traduisant Perse et Juvénal, tant de gens d’étude, universitaires et autres, qui s’accommoderaient si parfaitement d’un peu de publicité ; — je répondrai, d’abord, que je n’aime donner qu’aux infiniment pauvres, ensuite que la compassion littéraire porte en elle-même son pourquoi, et qu’il suffit d’avoir un peu de talent et beaucoup de malheur pour m’attirer ; toutes raisons excellentes. Mais les vrais bibliophiles ne me feront jamais de questions semblables : rassurons-moi.

Et puis, il me semble que l’histoire des gens presque inconnus doit avoir pour beaucoup de lecteurs l’attrait du roman ; — tout l’invraisemblable dans le vrai, songez-y ! Un nom sans autorité comme Pierre ou Jean, à peine quelque chose de plus que les héros imaginaires, quelques lignes imprimées dans un coin, juste de quoi justifier d’une existence réelle, trois ou quatre personnes qui disent : Je l’ai connu !