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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/275

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JEAN JOURNET

rait pas considérable quand on laisserait de temps en temps ce malicieux apôtre intervenir au milieu d’une tragédie, comme un terre-neuve dans un jeu de siam. — Tenez, on jouait dimanche Abufar ; eh bien ! franchement, nous avons regretté Journet.

On veut le guérir, nous le voyons bien. Et quand il sera guéri, c’est-à-dire quand on lui aura ôté sa poésie, éteint son regard, glacé son âme, alors seulement ce sera un homme pareil aux autres hommes. Ce jour-là, Jean Journet aura le droit de dire : Je suis raisonnable ! Il pourra, comme tous les gens qui sont raisonnables, aller manger un melon à Romainville avec ses voisins, qui ne dédaigneront plus sa compagnie. Il ira voir des pièces de théâtre et trouvera que ce Levassor est impayable. Le monde pourra chanceler sur sa base ; Jean Journet, devenu raisonnable, dira : Qu’est-ce que cela me fait ? Il mariera sa charmante petite fille à un avocat ou à un papetier, quelqu’un de raisonnable aussi. Et Jean Journet sera bien heureux, il n’aura plus de rêves de triomphe, il n’ira plus chanter dans les banquets, il fera des cornets avec ses vieux refrains ; il dira, au dessert, des