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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/303

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ÉDOUARD OURLIAC
sion de douze cents francs, le revenu d’une famille !

Joséphin. — Et mes poésies ! mon roman ! Croyez-vous qu’il n’en coûte rien pour vendre ses livres au libraire ?

Le père. — Et l’argent de votre parrain ?

Joséphin. — Je m’en suis fait une redingote.

Le père. — Et mes étrennes ?

Joséphin . — J’en ai soulagé l’indigence… où je me trouvais.

Le père. — Seigneur du ciel ! il me manquait cela sur mes vieux jours. C’est fini, je n’ai plus de fils ; car je rougirais d’appaler ainsi un mauvais sujet, qui faisait mon orgueil et ma consolation. C’est ainsi que vous reconnaissez les sacrifices que j’ai faits pour vous ; je me privais des aliments les plus grossiers, et Monsieur dissipait mon avoir avec ces femmes légères, l’opprobre de leur sexe ! Vous avez fréquenté ces repaires où l’on commence par être dupe et où l’on finit par être fripon. Le chemin du vice est rapide ; de là à l’échafaud il n’y a qu’un pas. Grand Dieu ! un Vidalot sur l’échafaud ! Retirez-vous de ma présence, montez dans votre chambre jusqu’à nouvel ordre ; je vous chasse !

Joséphin, tendant la main. — Vous me donnerez ma pension ?

Le père. — Vous levez la main sur moi ! Frappez, frappez le sein de votre père ! frappez les entrailles qui vous ont porté, les mamelles qui vous ont allaité !

Joséphin. — Papa, calmez-vous, songez qu’il y a des dames.

Le père. — Cela m’est bien égal, je ne me connais plus. Ah ! vous m’injuriez ! Battre son père, vil passe-temps ! indigne d’un bon fils ! »