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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/77

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CHATEAUBRIAND

se moque trop cruellement peut-être des jeunes gens qui se tuent pour attirer l’attention publique. Mais ce ne sont là, par bonheur, que des ombres momentanées sur son talent et sur son noble caractère.

La vieillesse, pas plus que la maladie, n’a pu mordre sur ce génie robuste. Il a travaillé jusqu’à son dernier jour, il a dicté jusqu’à sa dernière heure. Dans une préface, il parle de l’opiniâtreté particulière à sa nature. « Lors de ma jeunesse, dit-il, j’ai souvent écrit douze et quinze heures sans quitter la table où j’étais assis. L’âge ne m’a point fait perdre cette obstination au travail. Ma correspondance diplomatique au ministère est presque toute de ma main. »

À qui le regarde bien en face, Chateaubriand apparaît dans le xixe siècle comme le contrepoids de Voltaire dans le xviiie. Même universalité dans le travail, même courage dans la lutte. Chacun des ouvrages de Chateaubriand attaque, serre de près et soufflette un ouvrage correspondant de Voltaire. Depuis cinquante ans, en effet, pas un pouce de terrain que l’auteur du Génie du Christianisme n’ait disputé à l’auteur du Dictionnaire philosophique, pas un