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Page:Morphy - Le vampire, 1886.djvu/62

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LE VAMPIRE

Les consommateurs attablés autour de la salle ne s’occupaient pas de la conversation des bandits. Cependant, un homme qui semblait dormir, non loin d’eux, excita la défiance du soupçonneux coquin.

Il baissa la voix d’un ton et poursuivit :

— Le Nourrisseur est lâche, c’est possible, mais il nous est fidèle et nous sert bien.

— Approuvé ! fit l’Asticot qui n’avait encore rien dit.

— Quant à moi, continua Sacrais, je suis votre factotum. Mon rôle consiste à empêcher les arrestations… et à deviner les trahisons, enfin à tout organiser pour le mieux… On ne réussit pas toujours…

— C’est égal, dit Tords-la-Gueule, de sa grosse voix, t’as pas ton pareil et tu seras notre chef. D’abord, c’est l’idée de la Sauvage.

Ce nom de la Sauvage produisit une sensation étrange parmi tous ces individus. Décidément, c’était une célébrité dans l’armée du crime.

— Un instant, fit Bambouli, nous allons causer de ça. La Sauvage, la femme à Général, a toujours été la vraie maîtresse de notre association. C’est surtout elle qui nous commandait et cela avec raison, puisque c’est elle qui a su nous choisir et nous communiquer sa belle fièvre, son enthousiasme, n’est-ce pas ?

Un muet échange de regards remplis d’admiration répondit à cette question, en montrant & quel point ces hommes étaient fanatisés par cette fille.

— Donc, elle doit rester à notre tête et nous gagnerons tous à lui obéir. Ce n’est pas la première venue, celle qui disait à Général et à nous : « Mes garçons, il n’y a de vrai que l’amour, l’or et le sang… L’amour à pleines lèvres, l’or à pleines mains… et du sang, du sang ! »

Ces paroles électrisèrent les bandits qui répétèrent :

— Oui, du sang, du sang, elle disait ça !

— Eh bien ! continua Bambouli, je dis, et Sacrais sera de mon avis, qu’il vaut mieux qu’il n’y ait pas d’autre chef que la Sauvage. Faudra qu’elle y consente !

— Là, nous voici arrivés à la conclusion, fit Sacrais : Je devais être le nouveau chef, mais je ne le serai pas. La Sauvage a changé d’avis sans rien dire.

— Comment le sais-tu, alors ? questionna Bambouli,

— Est-ce que je ne sais pas tout ce que je dois savoir, répondit Sacrais en souriant d’une façon significative.

— Pour ça, oui, affirma La Puce ; on en a eu des preuves.

— Voilà où en sont les choses et, ma foi, ça me va. Je n’avais pas de goût pour être votre chef. J’aime autant continuer comme par le passé… avec une