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Page:Nerval - Élégies nationales et Satires politiques, 1827.djvu/79

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Dans mon esprit charmé, revenez donc encore
Douces illusions que le vulgaire ignore :
Ah ! laissez quelque temps résonner à mon cœur
Ces sublimes pensers de gloire et de grandeur ;
Laissez-moi croire enfin, si le reste succombe,
Que je puis arracher quelque chose à la tombe,
Que, même après ma mort, mon nom toujours vivant,
Dans la postérité retentira souvent ;
Puisque ce corps terrestre est fait pour la poussière,
Et qu’il faut le quitter au bout de la carrière,
Qu’un rayon de la gloire, à tous les yeux surpris,
Comme un flambeau des temps, luise sur ses débris.

Il me semble en effet que je sens dans mon âme
La dévorante ardeur d’une céleste flamme,
Quelque chose de beau, de grand, d’audacieux,
Qui dédaigne la terre et qui remonte aux cieux :
Quelquefois, dans le vol de ma pensée altière,
Je veux abandonner la terrestre poussière ;
Je veux un horizon plus pur, moins limité,
Où l’âme, sans efforts, respire en liberté ;
Mais, dans le cercle étroit de l’humaine pensée,
L’âme sous la matière est toujours affaissée,
Et, sitôt qu’il veut prendre un essor moins borné,
L’esprit en vain s’élance, il se sent enchaîné.