Page:Nerval - Élégies nationales et Satires politiques, 1827.djvu/80

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Puisqu’à l’humanité notre âme est asservie,
Et qu’il nous faut payer un tribut à la vie,
Choisissons donc au moins la plus aimable erreur,
Celle qui nous promet un instant de douceur.
Oh ! viens me consoler, amour, belle chimère !
Emporte mes chagrins sur ton aile légère ;
Et si l’illusion peut donner le bonheur,
Remplis-en, combles-en le vide de mon cœur !
Je ne te connais pas, amour,… du moins mon âme
N’a jamais éprouvé ton ardeur et la flamme :
Il est vrai que mon cœur, doucement agité,
En voyant une belle a souvent palpité ;
Mais je n’ai point senti, d’un être vers un être,
L’irrésistible élan que tous doivent connaître ;
De repos, de bonheur, mon esprit peu jaloux,
Jusqu’ici, se livrant à des rêves moins doux,
Poursuivit une idée encor plus illusoire,
Et mon cœur n’a battu que pour le mot de gloire.

Suprême déité, reine de l’univers,
Gloire, c’est ton nom seul qui m’inspira des vers,
Qui ralluma mon cœur d’une plus vive flamme,
Et dans un air plus pur fit respirer mon âme ;
J’aimai, je désirai tes célestes attraits,
Tes lauriers immortels, et jusqu’à tes cyprès.