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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/110

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TANTE GERTRUDE

sans se retourner, Mme Wanel traversa la grande pièce et s’éloigna en silence, balayant le parquet de sa longue traîne blanche.

Juste à cet instant les enfants faisaient irruption par la porte opposée et dans le brouhaha qui suivit leur entrée chacun oublia la petite scène qui venait de se passer.

Toutefois le régisseur, tout, en se multipliant pour installer les habitants du village et les parents qui avaient répondu avec empressement à l’invitation de la châtelaine, ne pouvait s’empêcher de jeter souvent un regard inquiet du côté par où Paule avait disparu.

Mlle Gertrude, qui l’observait sans qu’il s’en doutât, l’aborda tout à coup.

— Monsieur Bernard, dit-elle de sa voix impérative, cherchez donc dans le vestibule la pelisse de ma nièce et allez la lui porter. Elle est sortie prendre l’air, mais elle pourrait bien aussi prendre une fluxion de poitrine ! Elle nous donne déjà assez d’embarras sans cela ; il ne manquerait plus que d’avoir à la soigner !

— J’y vais tout de suite, mademoiselle, répondit Jean avec empressement.

Et il partit bien vite, suivi par le regard moqueur de la vieille fille.

Le jeune homme trouva facilement la pelisse de loutre dont Paule s’enveloppait lorsqu’elle sortait par les grands froids, mais il eut beaucoup plus de peine à découvrir celle qu’il cherchait. Après avoir exploré sans succès la plupart des appartements, la terrasse, les bancs autour de là pelouse, il commençait à se demander où Mme Wanel pouvait bien s’être réfugiée lorsque l’idée lui vint de jeter un coup d’œil dans la serre, qui se trouvait derrière l’aile gauche du château. À la lueur d’un des grands lampadaires de la cour, qui envoyait un peu de sa lumière dans ce coin retiré, il aperçut la jeune femme, étendue plutôt qu’assise sur un des fauteuils rustiques placés auprès du bassin. La tête appuyée sur un de ses bras repliés, les veux fermés, Paulette, perdue dans sa rêverie, ne vit pas venir le régisseur, aussi tressaillit-elle violemment en entendant sa voix grave :