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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/111

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TANTE GERTRUDE

— Madame, je viens de la part de votre tante vous apporter cette mante, car elle craint que vous ne preniez froid.

Les grands yeux bleus se levèrent railleurs et superbes, tandis qu’un sourire moqueur soulevait la lèvre dans une moue pleine de mépris.

— Quelle tendre sollicitude ! j’en suis vraiment confondue !

Un froid pénétrant arrivait par la porte grande ouverte et devait glacer Paulette, si légèrement vêtue.

— Permettez-moi de vous aider à mettre cette pelisse ? demanda anxieusement le régisseur, sans paraître avoir entendu la remarque ironique de Mme Wanel.

— Je vous remercie. Je n’ai pas froid… Vous pouvez la poser sur ce banc.

Le ton était bref et saccadé.

Jean fit un pas pour se retirer, mais ayant vu frissonner la jeune femme, il s’enhardit.

— Je vous en prie, insista-t-il doucement ; ce courant d’air est mortel… Ne restez pas ici… Ne voulez-vous pas rentrer dans la salle ; rejoindre votre amie Thérèse ?…

À ce mot, Paule se leva brusquement, et se tournant, la lèvre irritée :

— Que vous importe ? dit-elle avec hauteur. Vraiment, je vous trouve bien osé, monsieur ! Laissez-moi… Allez vite rejoindre la demoiselle de compagnie de ma tante : la pauvre fille doit être inquiète, jalouse peut-être. Retournez auprès d’elle !… Elle pourrait vous faire une scène et s’imaginer que je cherche à faire la conquête de son amoureux !… Mais partez donc !

Jean Bernard, pâle à faire peur, se dirigea en chancelant vers la porte de la serre, tandis que Mme Wanel, haletante, suffoquée par l’émotion, retombait sur son siège, et appuyait son front brûlant sur ses deux mains crispées.

Elle poussa un long soupir en entendant le bruit de la porte qui se fermait… Enfin ! il était parti ! elle était seule ! elle pouvait pleurer et souffrir à son aise !… Soudain, elle sursauta…

— Oui, madame, je suis en effet bien osé…