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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/113

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TANTE GERTRUDE

mises toutes deux à bien des épreuves, des affronts, souvent cruels !

Le ton était amer… Le cœur de Paule se serrait affreusement.

Mlle Thérèse vous aime beaucoup, continua Jean, après un silence et d’une voix plus douce. Votre affection lui est plus chère que tout au monde… Un soupçon comme celui que vous venez d’avoir lui briserait le cœur… C’est pourquoi j’ai tenu à vous dire la vérité… Ne soyez jamais injuste à son égard… Ne la jugez pas mal… Je la connais si bien ! C’est une sainte… Si elle savait la pensée qui vous est venue, elle en souffrirait amèrement et croirait devoir renoncer à la douceur de notre amitié… Vous ne voudriez pas faire cela… Ce serait cruel… Et vous êtes si bonne… Je vous en conjure, n’ayez plus la moindre pensée au sujet de notre intimité… Oh ! si vous saviez ce que vous…

Qu’allait-il dire ? Paule, n’osant faire un mouvement, attendait, haletante…

Mais Jean Bernard se tut… Il s’écarta brusquement du dossier du fauteuil sur lequel il se tenait penché, effleurant presque de ses lèvres les cheveux d’or soyeux…

Paule se retourna alors… Ses yeux, humides de pleurs, rencontrèrent les prunelles sombres du jeune homme attachées sur elle avec une expression à la fois si triste et si tendre, qu’elle en fut bouleversée !

Sans savoir ce qu’elle faisait, elle tendit ses deux mains vers lui en un geste suppliant.

— Pardon ! dit-elle très bas.

Jean Bernard, qui avait baissé les yeux, ne vit pas le geste, mais il entendit la prière.

— Ce n’est pas moi que vous avez offensé, répondit-il doucement sans oser la regarder, c’est celle dont je vous ai révélé le secret.

— Je cours auprès d’elle, s’écria Paule.

Mais le régisseur l’arrêta.

— Non, ne lui dites rien de tout cela ; il vaut mieux qu’elle l’ignore toujours… Seulement, soyez bonne pour elle… Et ne voyez jamais, dans notre affection que celle d’un frère pour une sœur faible et pauvre, qui a besoin d’un appui, d’un encoura-