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TANTE GERTRUDE

gement… en attendant qu’elle aille se donner tout entière à Celui qu’elle a choisi pour lui consacrer sa vie…

Jean Bernard se tut… Il s’inclina profondément devant Paule et s’éloigna sans lever les yeux sur elle. Mais comme il ouvrait la porte, une petite main se posa sur son bras.

— Monsieur Bernard !…

Il s’arrêta, tremblant, hypnotisé par la douceur de la voix.

— Monsieur Bernard… moi aussi, je suis pauvre et abandonnée… moi aussi j’ai souvent beaucoup à souffrir… J’aurais bien besoin, comme Thérèse, d’un frère, d’un protecteur… Monsieur Bernard, voulez-vous être mon ami ?

Le jeune homme, chancelant comme un homme ivre, le visage bouleversé, resta un moment interdit… Mais, se reprenant, par un effort inouï de volonté, il s’inclina sur la petite main que ses lèvres effleuraient et murmura d’une voix étranglée :

— C’est trop d’honneur… Oui, madame, je serai pour vous un ami loyal et fidèle.

Quand Paulette rentra dans la salle de fête l’instant d’après, elle fut accueillie par les cris joyeux des enfants qui connaissaient tous la belle et bonne dame et en raffolaient. Et, lorsque la soirée finie, parents et enfants se retirèrent, rien ne peut donner une idée de leur concert de louanges à l’adresse de Mme Wanel, qui ne s’était jamais montrée si gaie, si charmante. Elle avait même fini par vaincre la mauvaise humeur de Mlle de Neufmoulins, qui n’avait pas assez d’yeux pour l’admirer.

— Oh ! tante Gertrude, comme je suis heureuse ! répétait Paule, chaque fois que les rondes ou les danses la ramenaient dans le coin où se tenait la châtelaine.

— Vertudieu ! ça se voit ! ripostait la vieille fille en contemplant le beau visage radieux ; et ça s’entend ! continuait-elle, tout égayée par le rire frais et perlé qui éclatait à tout instant comme une brillante fusée.

Jean Bernard ne put approcher souvent Paule