Aller au contenu

Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
TANTE GERTRUDE

comtesse de Ponthieu, sa mère adorée, qui semblait lui sourire du haut de son socle de velours… Assis, presque agenouillé aux côtés de Mlle Gertrude, il écoutait, dans un silence recueilli, l’histoire étrange, quasi merveilleuse qu’elle lui contait… Il apprenait que, depuis dix-huit ans, elle l’avait suivi pas à pas dans sa vie de lutte et de travail, ne le perdant jamais de vue, sachant tout de lui, n’ignorant rien de ses moindres agissements, entretenant avec son ami Antoine de Radicourt une correspondance active à son sujet, toujours prête à lui venir en aide si le besoin s’en était fait sentir.

— Tiens, mon enfant, regarde ! Et Mlle Gertrude tirait de ses poches volumineuses, toujours bourrées d’objets de toutes sortes, un vieux portefeuille usé. — Vois ! je me suis procuré toutes les photographies qui existaient de toi, jusqu’à la dernière ! J’ai eu tant de chagrin lorsque mon imbécile de frère s’est fâché avec tes parents et qu’on ne t’a plus revu ! Lui aussi avait bien du chagrin, mais il avait également la mauvaise tête des Neufmoulins, et jamais il n’aurait voulu reconnaître ses torts dans cette affaire ! Le vieux fou se consolait en faisant bâtir ce nid merveilleux qu’il te destinait et que, sans moi, bien sûr, tu n’aurais jamais habité ! Si le bon Dieu l’a admis dans son Paradis, et s’il nous voit de là-haut, en ce moment il doit être bien heureux ! Si tu savais ma fureur à la lecture de ce testament ridicule ! J’avais toujours espéré qu’il vous laisserait sa fortune à Paulette et à toi, mais je ne me doutais pas que l’idée pût lui venir d’y mettre cette clause absurde ! Connaissant ta nature sérieuse et réfléchie, ton grand cœur, tes sentiments élevés, je savais bien que pour rien au monde, tu n’accepterais de donner ce beau nom de Ponthieu, dont je te savais si fier, à la petite poupée sotte et frivole qu’était alors ma nièce. Comment arriver à la solution rêvée par le vieil original ? Car, tout en traitant d’idiotie sa singulière combinaison, je me mis bientôt en tête d’en tenter la réalisation. Et tu sais notre devise : « Ce que Neufmoulins veut, Neuf moulins peut ! » Dès le début, j’ai bien cru la par-