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TANTE GERTRUDE

sors de son cœur débordant d’une tendresse maternelle, qu’elle n’avait mis tant de soin à lui cacher jusque-là que pour le mieux servir !

Puis ils parlèrent de Paulette, et là, encore, ils se comprirent : leur amour leur suggérant une ruse délicieuse, ils convinrent de lui ménager une surprise, et le jeune homme, trop ému pour parler, écoutait silencieux, mais souriant, les recommandations faites par Mlle Gertrude, ravi à la pensée du bonheur qui attendait sa fiancée, de cette explosion de joie dont il serait témoin, de la lueur d’extase qui brillerait dans ses grands yeux caressants et si tendres, lorsqu’elle saurait tout le lendemain…

Il eut besoin de faire un effort surhumain pour cacher à Paulette l’expression radieuse de son visage, lorsqu’il vint la retrouver à l’Abbaye…

Toujours affaissée dans le fauteuil qu’elle n’avait pas quitté, elle leva sur lui un regard interrogateur.

Doucement, tendrement, il la prit dans ses bras et lui parla de sa voix grave, tandis qu’elle baissait la tête, tremblante d’émotion, anxieuse de ce qu’il allait lui dire.

— Ma bien-aimée, il faut être forte et courageuse. Je pars… mais je reviendrai bientôt ; ayez confiance… Votre tante vous dira tout ce qui s’est passé entre nous… Le comte de Ponthieu doit arriver au château demain… Peut-être a-t-elle des projets au sujet d’une union… En tout cas, Paule, vous êtes libre…

— Je ne veux pas le voir ! s’écria la jeune femme dans une sorte d’effroi et en cherchant à repousser Jean qui la tenait toujours sous son regard énigmatique, qu’il essayait de rendre triste, mais dont l’éclat eût assurément frappé sa compagne si elle avait pu le voir.

— Si ! Vous ferez cela pour moi, Paule ; vous le recevrez… Et si, dans quelque temps, après avoir bien consulté votre cœur, vous êtes sûre que vous n’aurez jamais un regret ni pour le nom, ni pour la fortune… si vous croyez que moi, Jean Bernard, l’intendant, je puis vous donner le bonheur… vous me le direz, ma bien-aimée… et je viendrai vous chercher…