Aller au contenu

Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
TANTE GERTRUDE


CHAPITRE II


— Mais, ma tante, pourquoi toutes ces récriminations puisque je vous déclare que jamais, au grand jamais, je ne consentirai à épouser ce comte de Ponthieu.

— Bah ! est-ce qu’on sait avec une écervelée de ton espèce ! Que ce beau monsieur se présente, qu’il te fasse la bouche en cœur, et les millions aidant, tu ne demanderas pas mieux que de convoler en secondes noces !

Et Mlle Gertrude de Neufmoulins redressa d’un brusque mouvement de tête sa coiffure de crêpe qui s’était dérangée dans le feu de la discussion, tandis qu’elle lançait sur sa nièce un regard furibond.

Celle-ci, sans paraître s’émouvoir des boutades de son interlocutrice, continua de s’éventer nonchalamment et resta quelques instants silencieuse. Seul, le mouvement saccadé de son petit pied qui battait nerveusement le sable de l’allée indiquait sa préoccupation.

Ravissante dans son costume de surah noir, qui faisait admirablement ressortir la fraîcheur de son teint de blonde, Mme Wanel, — la belle Paulette, comme l’appelaient ses familiers, — supportait depuis une demi-heure les rebuffades de sa tante. Celle-ci était furieuse du testament de son frère Jean de Neufmoulins, mort la semaine précédente, et elle avait de bonnes raisons pour cela.

Toujours cité pour l’homme le plus original de la contrée, il n’avait pas voulu faire mentir sa réputation et son dernier acte avait été le comble de l’excentricité.

Il laissait sa fortune, se montant à plusieurs millions, et son immense domaine de Neufmoulins, à sa nièce, Mme Wanel, et au neveu de sa femme, le comte Jean de Ponthieu, sous la condition expresse qu’ils seraient mariés ensemble pour