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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/17

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TANTE GERTRUDE

la fin de l’année qui suivrait sa mort. Sinon tout son héritage revenait à sa sœur, Mlle Gertrude de Neufmoulins.

On comprend le dépit de la vieille fille.

Elle ne doutait pas que la clause du testament ne fût remplie ; aussi ne se gênait-elle pas pour accabler sa nièce de ses récriminations, quoique cette dernière en fût la cause bien innocente.

Il y avait deux ans que Paule était veuve. M. de Neufmoulins lui avait toujours tenu rancune de son mariage avec l’industriel, et la jeune femme, assez fière, n’avait jamais tenté aucune démarche auprès de son oncle pour se réconcilier avec lui. Dans ces conditions, Mlle Gertrude s’attendait à être l’unique héritière de son frère ; ce testament l’avait absolument bouleversée.

Mme Wanel avait beau l’assurer qu’elle n’avait rien à craindre, elle avait beau lui répéter qu’elle pouvait d’ores et déjà se considérer comme la seule propriétaire de Neufmoulins, la vieille fille ne décolérait pas.

— A-t-on jamais vu pareil original ! répétait-elle pour la centième fois à sa nièce, qui ne pouvait s’empêcher de sourire. Il te détestait, il n’a pas entendu parler de ce Ponthieu depuis plus de quinze ans, et il vous laisse à vous deux tout ce qu’il possédait ! Et à moi qui ai été son souffre-douleur tous ces derniers temps, à moi qui ai supporté toutes ses rebuffades, qui l’ai soigné avec une patience angélique… Oui, ma nièce, avec une patience an-gé-li-que ! accentua la vieille demoiselle d’un air furibond, en voyant le sourire moqueur et amusé de la jeune femme. Ça peut t’étonner, mais c’est comme ça ! Voyons, qu’est-ce que je disais ?… Ah ! oui, je disais qu’à moi, qui ai été admirable de dévouement, cet ostrogoth n’a pas laissé un sou ! pas un sou ! Le nigaud ! il a préféré donner sa fortune à deux jeunes fous qui se sont toujours moqués de lui et s’en moqueront encore bien plus !

— Le notaire a-t-il fini par recevoir des nouvelles du comte de Ponthieu ? demanda tranquillement Mme Wanel.

— Non, il paraît qu’il est introuvable, cet