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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/23

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TANTE GERTRUDE

cul-de-jatte, il doit être amoureux… J’y suis ! voilà la véritable cause de son refus ; il aime bien sûr quelque jeunesse, et il se soucie de Mme Wanel et de l’héritage comme d’une guigne ! Comment n’y avais-je pas pensé plus tôt !

La cloche de la porte d’entrée résonna en ce moment avec un son fêlé, et la vieille fille s’interrompit pour aller voir à l’entrée de l’allée quel était ce nouvel intrus. Ses sourcils se froncèrent en apercevant un officier qui eut bientôt franchi la courte distance de la grande porte au bosquet, et s’inclina d’un air fort cérémonieux devant la maîtresse du logis.

— Comment allez-vous, mademoiselle ? Cette chaleur tropicale est vraiment insupportable ! Je plains surtout les personnes âgées…

— Trop aimable à vous, cher monsieur ! Moi, je plains encore plus les gens serrés, étriqués dans leur corset, interrompit sèchement Mlle Gertrude, en tournant le dos sans façon à l’officier interloqué. Je vous laisse faire votre cour. Au revoir ! Amusez-vous bien ! Rafraîchissez-vous surtout, car votre visage congestionné m’inquiète !

Et sur cette réplique, la vieille fille s’éloigna tout en maugréant :

— L’insolent ! je lui en donnerai des « personnes âgées ! » Et dire que cet animal-là est en train de devenir mon neveu !

— Toujours charmante, la tante, murmura M. de Lanchères, quand il fut bien sûr que Mlle Gertrude ne pouvait plus l’entendre.

Puis, prenant une chaise, il vint s’asseoir à côté de Paulette, qui paraissait préoccupée. Le jeune homme s’en aperçut.

— Qu’y a-t-il, ma chère amie ? Vous semblez toute triste, toute chagrine ? Est-ce que ce vieux crampon vous aurait encore fait de la peine ?

Mme Wanel se sentit froissée par l’épithète peu respectueuse et répondit assez vivement :

— Je vous assure, Pierre, que ma tante est toujours bonne pour moi, malgré son air désagréable. Elle est âgée et il faut la ménager.

— Oh ! ne craignez rien ; je n’oublie pas que vous serez un jour sa légataire universelle.