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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/62

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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE VI


Il y avait cinq mois que Jean Bernard était installé comme régisseur au château de Neufmoulins, il ne pouvait le croire, tant ces cinq mois lui avaient paru courts. Pourtant, il n’y avait pas de doute à ce sujet : les vacances de Pâques allaient ramener auprès de lui ses « deux enfants ».

Mlle de Neufmoulins, tout en accablant le jeune homme de ses rebuffades, comme c’était son habitude, d’ailleurs, avec tous ceux qui l’entouraient, avait dû reconnaître son activité intelligente et son irréprochable droiture.

— Nous nous chamaillons tout le temps, disait-elle à sa nièce, un jour que celle-ci avait été témoin d’une discussion assez animée entre la vieille fille et Jean Bernard — ce dernier défendant son opinion respectueusement, mais avec fermeté — et j’ai beau faire, il me « colle » presque toujours ! C’est un rude gaillard ! Quel dommage qu’il soit gueux comme un rat. Si jamais je m’étais mariée, j’aurais souhaité d’avoir un fils tel que ce Bernard.

De son côté, le régisseur, qui avait d’abord éprouvé une sorte d’antipathie pour la châtelaine, revenait peu à peu de ses préventions et commençait à l’estimer, sinon à l’aimer. Il avait découvert que, sous ses apparences brusques, désagréables même, Mlle Gertrude cachait un cœur accessible aux meilleurs sentiments.

Le pauvre qui frappait à sa porte était souvent accueilli par un véritable déluge de paroles déplaisantes, mais il ne s’en retournait jamais les mains vides.

En apprenant l’arrivée prochaine de Gontran et de Madeleine, elle avait d’abord jeté les hauts cris : elle avait horreur du bruit ! Avec des enfants, jamais un moment de tranquillité ! Ne pouvait-on les laisser dans leur pension ?

Mais, pendant une semaine, sur ses ordres, tout