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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/63

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TANTE GERTRUDE

avait été bouleversé dans la partie de l’Abbaye qui servait d’habitation à Jean, pour préparer deux chambres aussi coquettes et confortables que possible.

Et depuis trois jours qu’ils étaient là, c’était bien autre chose. Madeleine, avec sa gaieté communicative, sa verve intarissable, son sans-gêne charmant, avait positivement fait la conquête de la vieille fille qui l’accaparait, sans s’inquiéter des protestations du régisseur. Gontran, avec sa figure « de papier mâché », selon son expression, lui plaisait moins ; elle lui faisait néanmoins bon accueil. Elle avait exigé que, chaque soir, Jean et les enfants dînassent au château ; quant à Madeleine, elle passait une bonne partie de la journée auprès de Mlle Gertrude.

Thérèse, la jeune demoiselle de compagnie, était aussi devenue bien vite amie avec Madeleine, mais la grande favorite de l’enfant, c’était Mme Wanel.

Madeleine était restée en extase devant Paule, la première fois qu’elle l’avait vue, et comme Mlle Gertrude s’étonnait du silence étrange de la petite, celle-ci avait déclaré naïvement :

— C’est que je n’ai jamais vu une personne aussi jolie que Madame ! Je ne croyais pas qu’on pût rencontrer quelqu’un d’une beauté aussi parfaite !

Paule avait ri, mais l’admiration de l’enfant lui était allée droit au cœur.

Le soir, en rentrant à l’Abbaye, Madeleine, encore sous le charme, avait accablé son frère de questions auxquelles il avait répondu d’un ton plutôt contraint.

— Oh ! Jean, tu ne m’avais pas dit que Mme Wanel était merveilleusement belle ! ne cessait de répéter la petite.

— Je ne l’ai jamais remarquée, dit froidement le jeune homme.

— Tu mens, Jean, tu mens ! Tu rougis et ton nez tourne, comme disait ma vieille nourrice. Quel dommage que son fiancé soit si laid et surtout ait un air si bête ! Il faudrait à Mme Wanel un mari très distingué, très… Tiens ! Jean ! — et l’espiègle prenant son frère par les épaules, plongea ses yeux rieurs dans les prunelles sombres, — il lui faudrait un mari comme toi !