Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
TANTE GERTRUDE

— Pourquoi ? demanda l’enfant avec insistance.

— Parce que Madeleine Bernard serait déplacée au milieu des hôtes de Mme Wanel, répondit Jean d’une voix brève, un peu cassante.

La fillette avait compris. Elle baissa la tête et se tourna vers Thérèse ; celle-ci, l’attirant à elle, l’embrassa tendrement.

— Venez, mignonne, lui dit-elle, nous irons ensemble remercier Mme Paule, n’est-ce pas ? Et, ce soir, nous ferons les fameux caramels dont je vous ai parlé et que vous voulez emporter au couvent pour les faire goûter à vos petites amies.

Jean adressa à l’orpheline qui s’éloignait, en emmenant Madeleine, un regard de reconnaissance pour sa bonté délicate.

Le jeune homme, après avoir secoué les pensées pénibles que cette petite scène avait éveillées en lui, se mit en devoir d’atteler le poney à la charrette anglaise qui lui servait pour ses excursions journalières. Il avait fini et se disposait à partir lorsque Mme Wanel arriva, tout essoufflée. Elle portait une ravissante toilette de drap clair, un magnifique boa de plumes d’autruches blanches faisait ressortir la fraîcheur de son teint, une toque de velours gris était coquettement posée de côté sur ses beaux cheveux d’or crêpelés ; elle était si jolie ainsi qu’instinctivement le régisseur s’arrêta, ne pouvant s’empêcher de l’admirer.

— Oh ! monsieur Bernard, s’écria-t-elle joyeusement, j’avais peur que vous soyez parti ; j’ai couru pour arriver à temps ! Madeleine me dit que vous ne voulez pas que je l’emmène chez moi. N’est-ce pas que ce n’est pas vrai ? Vous ne voudriez pas me la refuser ? interrogea-t-elle de cette voix câline qu’il connaissait si bien, tandis qu’elle attachait sur lui son regard enveloppant comme une caresse. Mais elle tressaillit devant l’air sérieux, presque sévère du jeune homme.

— Madame est mille fois trop bonne, répondit Jean Bernard d’un ton grave, mettant une sorte d’affectation en parlant ainsi à la troisième personne, ce qui ne lui était pas habituel, mais je regrette d’être obligé de lui répéter ce que lui a