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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/87

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TANTE GERTRUDE

Les deux amies descendirent. Le même désordre, le même aspect d’abandon désolé régnait partout. Le jardinet, cultivé avec tant de soin par la vieille propriétaire aux jours où elle résidait dans la modeste demeure, n’était plus aujourd’hui qu’un fouillis d’herbes et d’arbustes touffus aux branches enchevêtrées les unes dans les autres ; la cuisine, encombrée de vaisselles de toutes sortes, de cuivres ternis, avait un aspect lamentable. Une odeur de moisissure vous prenait à la gorge quand on entrait dans la petite salle à manger, dont les fenêtres semblaient n’avoir pas été ouvertes depuis longtemps.

Paulette fit pénétrer son amie dans le salon ; c’était la seule pièce à peu près habitable. Mais, là encore, un froid glacial, ce froid des appartements rarement occupés vous tombait sur les épaules.

— Comme il fait triste ici, n’est-ce pas ? dit Paule, qui vit son amie frissonner légèrement. Aussi ne suis-je heureuse que lorsque je suis dehors. C’est étrange, lorsque tante Gertrude y résidait et que je venais la voir, la maison me paraissait presque gaie !

Thérèse finit par découvrir la note cherchée dans le tiroir d’un petit meuble, au milieu d’autres paperasses, mémoires et comptes pour la plupart.

— Quinze cents francs ! murmura-t-elle avec découragement.

Depuis six mois Paulette avait dépensé quinze cents francs pour ses toilettes ! Juste la moitié de ce qui lui restait comme revenu annuel !

La jeune orpheline devenait de plus en plus songeuse.

— Combien devez-vous à votre servante, chérie ? interrogea-t-elle doucement.

— Trois mois, m’a-t-elle dit ce matin.

— Cela fait ?

— Je lui donne cinquante francs par mois.

Thérèse ouvrit de grands yeux.

— Cinquante francs ! répéta-t-elle.

— Oui ; c’est beaucoup peut-être, répondit Paule naïvement. Mais elle n’a pas voulu un sou de moins, étant la seule bonne pour faire tout l’ouvrage.